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Stéphane Roose, Directeur d’Impact Etudes, propose son regard d’expert du Dialogue social et pointe du doigt les politiques « Zéro accident » et leurs conséquences.

« De nombreuses entreprises ont instauré depuis longtemps des politiques visant au zéro accident. Il s’agit à la fois d’un affichage sur ce que veut l’entreprise et la traduction « facile » en un slogan aisément accessible d’une politique de prévention des risques qui se veut volontariste. Et aussi d’un objectif financier : les accidents du travail sont financés directement par l’entreprise alors que la maladie est prise en charge par la sécurité sociale.

Mais en affichant le zéro accident comme objectif, on envoie aussi le message qu’on ne veut plus d’accident. Et en sous-entendu que l’on ne veut plus déclarer d’accidents du travail.

Combien de fois suis-je allé dans une entreprise qui affichait fièrement à l’entrée : pas d’accident depuis 79 jours, 195 jours, 237 jours, qui dit mieux ?
Plus le score est élevé, plus le pauvre salarié aura la pression pour aller voir son employeur et déclarer un accident du travail.

Cette « performance » collective, soutenue par l’encadrement qui n’a pas le choix de la remettre en cause, crée des tensions incitant les salariés à ne pas déclarer les « petits » accidents, encouragés par l’entreprise qui incitera ce dernier à prendre un jour ou deux de repos.
La consigne n’est pas affichée comme telle mais quand votre prime de performance comprend une partie sur le nombre d’accidents ou le taux de fréquence, vous êtes vite enclins à quelques « aménagements » avec la loi.
D’autant que le salarié ne semble pas lésé, du moins à court terme. Et en plus si tout le monde touche la prime …

Et ce faisant, tous les incidents ou petits accidents sans arrêt qui sont annonciateurs d’accidents plus graves disparaissent sous la ligne de flottaison.
La myriade d’indicateurs mis en place reste au vert et tout se passe pour le mieux jusqu’à ce qu’arrive un accident que l’on ne peut pas ne pas déclarer.
Ces pratiques, courantes dans bon nombre d’entreprises, souvent d’ailleurs mais pas toujours sans intention maléfiques, vont en fait à l’encontre d’une vraie politique de prévention des risques et des accidents. Le nombre d’accidents est la conséquence de la politique de prévention mais il ne faut pas en faire un objectif central. Et ces pratiques, outre leur nocivité en interne, grèvent aussi les finances de la Sécurité Sociale (cf Le Monde).

C’est dans le suivi des pratiques de prévention, dans la mise en place d’une prévention primaire qui s’inscrit dans l’organisation, dans le management, dans la formation des acteurs, dans l’accompagnement des salariés victimes d’accidents, que l’entreprise (ou la structure publique) réussira à réduire in fine le nombre des accidents.« 

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