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Actualité CSE

L’instance Unique du personnel

By 7 novembre 2014août 8th, 2023No Comments

Le 28 octobre dernier, le Medef, la CGPME et l’UPA ont suggéré une refonte du dialogue social régissant les relations entre Directions d’entreprises et représentants du personnel qu’ils soient membres élus des instances DP, CE, CHSCT ou désignés par des Organisations syndicales, en proposant d’instaurer un « Conseil d’entreprise ».

Le texte diffusé suggère la création d’une instance unique de représentation, qui ne serait pas obligatoire et dont l’existence pourrait être remise en cause tous les quatre ans sur simple consultation des salariés.

Ce « conseil d’entreprise », ainsi nommé, hériterait de l’ensemble des prérogatives dévolues au comité d’entreprise, au CHSCT, aux délégués du personnel ainsi qu’aux délégués syndicaux dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Il serait consulté sur les orientations stratégiques tous les ans, mais également sur la situation de l’emploi, des conditions de travail et de la santé, de la formation, etc… ; et négocierait aussi les accords d’entreprise.

Si dans ce texte il n’est pas fait mention de la suppression systématique d’un CHSCT indépendant, son maintien dépendrait essentiellement et subjectivement de l’importance des questions de sécurité à traiter et serait de toute façon tributaire de la signature d’un double accord majoritaire (+ de 50% aux dernières élections et majorité des membres de l’instance unique).
De même, il est stipulé que les salariés pourraient décider de maintenir les IRP existantes « là où elles fonctionnent », quoique cela puisse dire.

Ainsi la mise en place de cette Instance Unique de représentation, permettrait, par voie d’accord majoritaire et en contradiction totale avec le Droit en vigueur, de déroger aux obligations légales de négociations (NAO, Accord sénior, temps de travail, etc..) en modifiant le rythme des discussions sur des sujets comme les négociations salariales ou les négociations sur l’égalité homme-femme.
Il en serait également de même de l’ensemble des modalités de fonctionnement (budget de fonctionnement, volume d’heures de délégation, conditions de recours à l’expertise, calendrier, informations transmises, contenu et périmètre de la base de données unique…) de cette instance unique qui pourraient être adaptées entreprise par entreprise par accord majoritaire.

Le texte issu du projet soumis aux négociations « promet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts …».

Néanmoins, la dérogation par accord d’entreprise aux dispositions légales (accords de Branches, Code du Travail, Constitution, ..) pourrait représenter un cheval de Troie permettant de revenir sur l’ensemble du Droit du travail et donc de promouvoir les inégalités entre salariés.
Ainsi, l’inversion de la hiérarchie des normes affaiblirait le pouvoir législatif (Droit du travail) au profit du pouvoir règlementaire (accords collectifs, RI, etc..) en revenant notamment sur le principe de faveur.
Par ailleurs, alors que le gouvernement vient d’enterrer en grande pompe le compte pénibilité, cette proposition de « régulation sociale » pourrait affaiblir profondément les pouvoirs des Instances représentatives du personnel, en commençant par le CHSCT.

En effet, alors que les pouvoirs dont il dispose désormais sont le fruit d’évolutions favorables de la législation, le levier majeur que constitue l’expertise CHSCT serait de fait remis en cause par la dissolution de ses prérogatives dans l’Instance Unique.

Ainsi l’article 2.3 du projet, intitulé « recours à l’expertise » indique que les conditions de recours à l’expertise seraient fixées par un accord majoritaire d’entreprise ou à défaut par un accord de branche. A défaut, un décret fixerait les modalités de recours à l’expertise, y compris en termes de prise en charge pour le conseil d’entreprise.
De fait, le recours à l’expertise CHSCT (mais pas uniquement car cela concerne également l’expertise CE, l’expertise comptable et les expertises libres) pourrait ne plus être envisagé dans l’instance unique, alors même qu’elle resterait possible pour un CHSCT.

Une nouvelle fois, cette application de l’inversion de la hiérarchie des normes priverait de fait de leurs droits les salariés « représentés » par cette Instance. Par ailleurs, à supposer que cette instance accepte de recourir à une expertise CHSCT, la performance de l’expertise se verrait bornée par les limites du budget de fonctionnement dont se verrait doté l’instance unique.

L’ouverture de cette boîte de Pandore marquerait le début d’une compétition féroce entre Cabinets d’Experts, sur la base du moins-disant, au détriment de la qualité des expertises et in fine de l’intérêt des salariés.

Déjà fragilisés par l’application de l’accord ANI et l’encadrement des délais d’exécution des expertises CHSCT, les CHSCT le seraient davantage encore par l’ouverture d’une brèche dans la logique de prévention de la violence au travail et des risques psychosociaux. Ce serait avancer à contresens d’une histoire matérialisée depuis 10 ans maintenant par les accords successifs sur le Stress au travail en 2004, le harcèlement et la violence au travail en 2007 qui faisaient des CHSCT un acteur incontournable de la prévention en entreprise.

Pour finir, la dissolution de ces prérogatives au sein d’un Conseil d’entreprises signerait probablement le glas des Expertises CHSCT.

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