Skip to main content
QVCT

La place du collectif de travail à l’heure de l’individualisation.

By 2 décembre 2014août 8th, 2023No Comments

Lors de nos interventions en santé au travail, que celles-ci se déroulent dans le cadre d’un Diagnostic RPS ou bien d’une Expertise CHSCT, nous soulevons fréquemment la question de la place du collectif de travail et de sa contribution dans la construction de la santé des opérateurs. Nous rappelons fréquemment qu’il est source d’efficacité et participe au processus de reconnaissance.

Poser la problématique du collectif dans notre pratique c’est avant tout questionner la dimension sociale de l’activité comme un moyen de soutenir l’activité et la santé individuelle*.

Les professionnels de la santé au travail le savent: l’isolement des individus dans le travail est générateur de souffrance. Ainsi une part non négligeable de nos préconisations cible la préservation de ces collectifs et leur développement.
Les individus réunis dans un collectif de ce type appartiennent de fait à une communauté d’intérêt. Ils adoptent des habitudes de travail communes et mettent en place des régulations collectives de l’activité. C’est ainsi que ce collectif contribue à l’intégration dans le travail, aide les individus à se trouver une place dans une organisation, et donc à gérer plus collectivement leur santé.

Le collectif contribue alors au partage et à la construction de stratégies défensives face à ce qui fait « souffrir au travail ».

Dans le cadre de nos Expertises CHSCT et plus particulièrement en cas de projets de réorganisation, nous constatons que les salariés sont souvent privés de collectif. Ainsi isolés ils n’ont plus de repères ni de moyens d’échanger face à leur souffrance. Comme dans le cas de Diagnostic RPS, la maladie peut alors devenir la seule forme d’expression de cette souffrance.

Nous observons aujourd’hui qu’il devient difficile de concilier la mise en lien de cette exigence avec l’individualisation croissante des pratiques professionnelles.
En effet, sous l’effet conjugué des nouvelles formes d’organisation du travail, des aspirations personnelles d’autonomie et d’indépendance, de la prédominance de la technologie et du nomadisme ainsi que de l’effacement progressif de la frontière entre sphère professionnelle et sphère privée, force est de constater que l’environnement professionnel dans la plupart des activités est de plus en plus individualisé.
Par ailleurs, le rapport au travail fondé sur l’évaluation individuelle, la construction de parcours de compétences ou le développement d’objectifs personnels enfonce encore le clou.

Désormais les gens accordent de l’importance à d’autres valeurs : famille, engagements collectifs ou réalisation personnelle. Le travail ne surplombe plus forcément toutes les activités de la vie**.

Bien que cette tendance ne soit pas nouvelle “le travail lui-même semble de moins en moins un but en soi.” S’ils recherchent toujours de la sécurité, ils attendent davantage que le travail leur permette de cultiver des relations sociales de qualité et contribue à leur développement personnel. La construction de la santé passe alors par le fait de trouver du sens, le travail contribuant ainsi à rapporter de la reconnaissance.
L’individualisation, la liberté, l’autonomie comme les risques qui y sont associés ont tendance à faire endosser des valeurs entrepreneuriales à des individus qui ne sont pas forcément des entrepreneurs. Cette injonction implicite à devenir tous entrepreneurs de nous-mêmes s’accorde peu avec la conception « orthodoxe » d’un collectif.

Ces évolutions posent questions et nous interpellent sur la façon dont se forment les groupes ou les collectifs concrets. Peut-on en effet en conclure que l’individualisation à l’œuvre, la transformation des espaces et des temporalités, le développement de l’autonomie détruisent les collectifs de travail que l’on connaissait ? Les récentes enquêtes suggèrent que le projet devient dorénavant le point de rencontre de l’organisation et des personnes, et que c’est autour de lui que se recomposent de nouvelles manières d’être ensemble au travail.

Mais ne nous leurrons pas, la notion de « collectif de travail » se distingue de ces diverses formes d’interactions collectives et relève de conditions supplémentaires à celle du travail collectif. « Tout travail collectif n’implique pas un collectif de travail***».

Bien que la notion soit encore loin d’être stabilisée en sciences sociales, elle fait cependant consensus autour des conditions d’élaboration du « collectif de travail ».

Sources :

  • * Sandrine Caroly – Le développement de l’activité collective
  • ** Les limites de l’individualisation du travail – Hubert Guillaud (http://www.internetactu.net/2014/10/29/les-limites-de-lindividualisation-du-travail/)
  • *** Sandrine Caroly – Le développement de l’activité collective
Aller au contenu principal